Les laveuses
L’écoulement n’était pas seulement un lieu de promenade ou de loisirs halieutiques .C’était aussi le sanctuaire où se déroulait le cérémonial du lavage familial. Il y avait au bourg une solide corporation de laveuses patentées. Notre laveuse attitrée, pendant quarante ans, fût Marie Josselette .
Les jours de lessive, elle arrivait de la Bouderie, chez nous à six heures du matin. Ce n’était pas semaine de trente-cinq heures pour une petite bonne femme en sabots bretons. La soupe avalée puis le petit café du matin, elle se rendait au jardin situé près de la grotte pour allumer sous l’énorme chaudière ronde et métallique un feu d’enfer .
Elle y plaçait les hardes qu’elle touillait savamment avec un manche à balai. L’opération durait deux bonnes heures. Puis elle empilait les hardes bouillies sur une brouette ajourée qu’elle appelait un « camion » et descendait jusqu’au premier pont de l’Ecoulement où nous possédions un lavoir en bois sur lequel nous acquittions des taxes. Dérisoire ! Là , pendant des heures, agenouillée sur sa « bouêtte » à laver, elle lançait et relançait le linge dans l’eau courante, le ramenait sur la planche et le frappait vigoureusement de son « battoué » pour l’essorer avant de le replier rituellement .
Il fallait ensuite ramener le lourd « camion » et monter en ahanant la côte de la Châtaigneraie. Les ménagères d’aujourd’hui, équipées de machines modernes, ne peuvent imaginer ce que coûtait d’efforts constants et prolongés une journée de lavage familial .
A la dure saison d’hiver, pour éviter les longs déplacements, le lavage se faisait au « dehouet » à monsieur le Recteur, espèce de long trou circulaire alimenté par un ru au débit fantaisiste et imprévu. On y descendait le long d’une rote qui longeait le jardin et la prairie du presbytère .